Certains figurent parmi les pionniers de la peinture marocaine, d’autres ont percé ces dix dernières années.
Passage en revue de huit valeurs sûres de la bourse de l’art.
Pas si naïve…
Chaïbia Talal (1929-2004): Décembre 2010, Mon village Chtouka de Chaïbia est adjugé à 1,5 millions de dirhams lors d’une vente aux enchères.
Chaibia, figure de l'art naïf marocain, fait partie de ces artistes wanted plus mort que vif, du fait qu’ils ne produisent fatalement plus, ce qui crée un phénomène de rareté. Ainsi, un 65x50 était estimé à 35 000 dirhams en 2004, année de sa disparition, alors que pour un format équivalent, il faut compter cinq fois plus aujourd’hui.
Le million, le million !
Ahmed Cherkaoui (1934-1967): Il est l’un des précurseurs de la peinture moderne marocaine et détenteur à titre posthume du record absolu de vente. Une de ses œuvres a été adjugée à 3,5 millions de dirhams, battant un record précédent qu’il avait établi avec Le talisman rouge adjugé à 2,35 millions de dirhams.
Et c’est son frère Mohamed Cherkaoui qui se frotte les mains, lui qui a mis en vente en avril 2010 une huile sur toile estimée entre 700 et 800 000 dirhams et qui est partie pour près du double, soit 1 580 000 DH. Cherkaoui fait partie de ces happy few dont une œuvre a été adjugée à plus d’un million de dirhams.?
Le Van Gogh marocain?
Jilali Gharbaoui (1930-1971) : Disparu à l’âge de 41 ans, après avoir effectué plusieurs séjours en hôpital psychiatrique, Gharbaoui a vécu dans la misère, et bradait ses toiles de son vivant. 30 ans plus tard, ses œuvres sont remises au goût du jour.
Certaines de ses compositions étaient estimées à environ 100 000 dirhams en 2000. Mais en l’espace de quelques années, les prix ont explosé. Ainsi, en décembre 2010, une de ses œuvres s’est vendue à 2,2 millions de dirhams, battant de peu son précédent record de 2,16 millions de dirhams. Gharbaoui se vend également bien à l’étranger avec une de ses toiles adjugée 1,3 millions de dirhams chez Tajan en France. Quant à certaines de ses gouaches, elles se sont arrachées à 700 000 et 850 000 dirhams.
Bine peinture et sculpture
Mahi Binebine : Champion de l’autopromotion toute catégorie confondue, le peintre marrakchi squatte les pages culturelles de tous les journaux du pays. Il se dit dans le landernau artistique qu’on lui propose des terrains à la palmeraie en échange de ses tableaux.
Le 28 juin 2008, une sculpture en bronze de 2m61 est adjugée à 1,51 millions de dirhams au profit d’un institutionnel : Bank Al Maghrib. Cette vente restera gravée dans les annales puisque c’est la première fois qu’un artiste marocain dépasse la barre symbolique du million de dirhams. Les œuvres de Binebine, dont le prix a été multiplié par 3 ou 4 en l’espace de quelques années, s’écoulent aujourd’hui comme des petits pains à plusieurs centaines de milliers de dirhams.
Inflation galopante
Hassan El Glaoui : Hassan II lui a mis le pied à l’étrier, il y a plusieurs décennies de cela. En 1967, l’hôtel Hilton de Rabat, qui sera inauguré par le défunt roi, lui passe commande de deux œuvres. Une de ses gouaches sur panneau, représentant une fantasia - la spécialité du peintre - est vendue par le management de l’hôtel en 2009 pour la coquette somme de 1,38 millions de dirhams.
A l’instar de Meryem Mezian, fille du maréchal, Hassan El Glaoui, fils du pacha de Marrakech, fait partie de ces aristocrates qui, en vendant dans leur milieu d’origine, sont à l’origine de la collectionnite de la bourgeoisie marocaine. Il n’est pas rare que ses toiles s’écoulent à plus d’un million de dirhams.
Art de saison
Mounir Fatmi : En 2009, l’artiste franco-marocain défraye la chronique à Art Dubaï, avec son œuvre Les Printemps Perdus représentant 22 drapeaux de pays arabes alignés, et parmi eux, les étendards égyptien et tunisien accrochés à un balai. Depuis, ses œuvres se vendent au prix fort.
Sa toile Tête Dure s’est vendue en 2010 à 110 000 euros chez Sotheby’s Doha (au double de son estimation). Il s’est classé 356e dans la liste des 500 artistes les mieux cotés du monde, avec des œuvres qui se vendent entre 40?000 et 50?000 euros. L’artiste parvient à placer ses œuvres dans des musées prestigieux, du Migros Museum für Gegenwartskunst à Zurich, en passant par le Centre Georges Pompidou (Paris) et Mori Art Museum (Tokyo).
?
Voyage voyage
Mohamed El Baz : Il affiche une bonne dizaine de passages en salles depuis son entrée dans le club sélect des enchères en 2008. Le peintre a bénéficié de l’effet printemps arabe, vendant ses œuvres entre 100 000 et 250 000 dirhams.
L’artiste s’est construit une renommée notamment grâce à sa participation à Africa Remix, un évènement itinérant qui a fait découvrir ses créations à travers le monde. Aujourd’hui, il se vend dans des maisons prestigieuses comme Sotheby's Doha et Londres, Cornette et Saint-Cyr Paris, Christie’s Dubaï.
Le Qotbi show
Mehdi Qotbi : Réseauteur devant l’éternel, Mehdi Qotbi est le plus institutionnel des peintres du royaume. L’homme est assailli de commandes officielles. Les banques, les gares et les aéroports du pays, tous ont leur Qotbi accroché dans un couloir feutré ou une salle d’embarquement au vu de tous les passagers.
Le spécialiste de la calligraphie vend un tableau de 1mX1m à 200 000 dirhams, soit cinq fois plus cher qu’il y a dix ans.
HuffPost Maroc -Par Hassan Hamdani
Publication du 27/10/2014